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Écart comblé. Là en face, puis collés contre. Amplitude des mouvements à venir qui se retiennent encore. L’un vers l’autre. 

Se retrouver. 

Geste naturel que l’on a déjà oublié. Tu tournes le volume de la musique. Américaine. 

Les meubles disposés pareil dans la chambre, mais la pensée des ruines nouvelles au loin, et le décor change de couleur. 

Silence. Sirènes. Baisers. 

Reprise. Rythme de la phrase embourbé dans l’accent. Absence des détails. 

Nos regards sont francs, fouillent et se reposent. 

Le pays lorsqu’on le traverse aspire les corps. Je retiens mon souffle. 

Quand le bruit des bombes résonne, les muses sont silencieuses.

Sensible centre. Déborder plus tard et dresser des parois, des murets en pierre, où des sculptures de pigeons en bronze tentent des dialogues impossibles. 

Le paysage se déploie, les arbres disparaissent. Les cyprès s’élèvent, deviennent presque des barrières.

Nous roulons. 

Prendre la route à cette heure-là, c’est parfait. À la radio, les tubes des années 80. Autour le brouillard. 

Tout est jaune : des bédouins, à cheval, à vélo, à pied. Vers le sud.

Reconnaître à l’arrivée l’entrée du lotissement. Les deux chiens au croisement, le petit et le gros.

Banlieue Beer-Sheva. Des drapeaux pendus qui n’étaient pas là avant. 

Les béances se fossilisent. Cavités et chocs creusés dans la chaussée. 

Dîner du vendredi, politique au centre de la table. 

Regarder les formes se dégager sous les fumées, les images aplaties. Reportages et commentaires. Je pose des questions sur ce qui se dit, des mouvements de la télé, des intonations. Ils traduisent pour moi.

Fin des témoignages. Allumer le chauffage dans le coin de la pièce. Dans le salon, se disperser en suppositions. 

Se replier dans la chambre est insuffisant, les échos ne s’évanouissent pas. 

Tu en es acteur par la lettre reçue au cachet officiel. Sur le palier, lire la suite de signes noirs alignés qui résonnent de chaos. Leur dire que c’est impossible ou ne pas y aller. 

Équipée. Celles qui attendent, les autres qui foncent.

Débordement du jour qui tombe en flamme. Et ceux qui tapent du poing sur la table, buvant leur café à quelques kilomètres, voudraient être là-bas, dans la poussière envahissante. Ou très loin. Mais il faudrait être né ailleurs, comme moi. 

Microclimats

Perrine Kuhn

Retour par l’autoroute. À la radio la musique s’interrompt. Élargissement de la plaie.

Déportement des buissons qui roulent. Ici, lieu de passage jusqu’à l’Égypte. Ces montagnes qui se ressemblent sous un autre nom. 

Décalage des lieux de contrôle. Arrêt soudain des lampadaires. 

Les coffres se soulèvent. Les mots qui me reviennent en regardant la route, ceux qui s’imprègnent et les autres qui disparaissent sans logique, sans hiérarchie. 

Le rêve est plus simple s’il n’y a rien autour comme le désert maintenant.  

Changement brusque qui se retourne contre lui-même. Villes et affiches électorales. Celui-ci, le candidat stupide comme une brique. 

Et tu me redis. Les petits hommes forment de grandes ombres seulement quand le soleil se couche. Tu le penses encore. L’espace ouvert et l’impossible réconciliation. Nous. 

On s’habitue à ce qui est moche. Tu manges un ongle en disant ça. L’as-tu dit ?

Nous roulons et la nuit tombe. 

Dérèglement de l’autre côté des clôtures qui défilent. Le pouls de ceux qui se tiennent debout à l’entrée, à mille lieux des endroits où il fait bon vivre. 

Dans tes plus mauvais rêves, tu habites ici. Au milieu de ces visages immortalisés au bout de pancartes qu’on tient en marchant. Scandé. 

Écoutes. 

Tu entends la dynamique de sa voix. Les paroles, pauvre traduction.

Envie de se jeter de la voiture. Tu as dit, il y a des chansons là-dessus, sur l’entrée dans cette ville. Sur ce sentiment-là.

S’engager dans les rues, presque arriver. Longer le parc où les couples arrangés se rencontrent à la nuit tombée. Et sur un banc à quelques mètres, la mère qui observe. 

Appartement. L’apaisement est imaginaire, de quelques heures à peine. On croit que d’être revenu là, d’avoir parcouru les kilomètres vers le nord aurait…, mais non la même chose ici. 

Le vent anime les carillons dans les jardins desséchés. À la radio, le récit des incartades mêlé au bruit du chauffage d’appoint.

Le mouvement n’a rien interrompu. D’un bout à l’autre, parasitent les pensées, les mots que tu as lu devant la porte, une fois l’enveloppe déchirée. 

Fendillements. Intervalle de ton regard et de ta réponse. Rien, ni moi, ni rien ne peut éloigner la réalité. 

Tu me rejoins, même si dormir ne dissout rien.

 

Jours. Jérusalem. Je me retourne, attendant le soleil. À pied, nous allons. 

Dehors : les jardins, les chantiers, les remparts. 

Traverser le square des chats et entendre des fenêtres, la musique. Tu me dis, je me sens apaisé quand j’entends ça, de la batterie dans la rue. Écho d’adolescents dans un groupe de rock qui joue l’après-midi dans un local. 

Le contraire d’hélicoptères qui tournent toute la nuit au-dessus de la ville. 

Échappée.

Groupes disparates sur les pelouses. Les chapeaux noirs et les femmes entre elles, fuient les chiens qui s’approchent, mauvaises âmes. 

Personne ne peut plus être écouté comme Salomon. Les frontières invisibles et les autres.

Les chemins se répètent dans la tension palpable comme une humidité dans l’air. 

Que dire à qui le dire. 

Maintenant de nouveau repartir encore. Vers rien de plus que le sursis des trajets, sans penser où va-t-on. Juste aller. Comme s’il n’y avait pas l’obligation un jour de décider où s’arrêter. 

On se raconte et on regarde. Les rêves. Les histoires. Les terrains vagues. 

Espacement, routes, réalités. 

Les constructions interrompues et penser ce qui se passera. Murmure de la musique. Dans mille ans, les ponts seront achevés. 

Dunes attenantes, enroulent la sécheresse des paysages. 

Tu pestes contre. Comment peut-il agir et penser que le monde danse à la musique de sa flûte. Sur son porche, la place que prendra la machine à laver. C’est tout ce qui l’occupe et les plans de sa future maison. 

On ne réagit pas aux choses pareil, surtout dans une famille. Familles. Bougies. 

Il s’éloigne de tes pensées. Vacuité des routes que l’on croise. Les paupières se plissent. 

Un carrefour connu. Digression. En une fraction de seconde sombrer. 

Penser à la divergence autour des lignes, les tracés injustes. Ceux qui disent une prière. Lancent des pierres. Projettent la voiture. 

Frasque. Avec éclat, écho. Et la rumeur au-delà déchaîne les paroles, les articles, les marches. Parler enfance et escapade. Rire sur les malentendus des mots, des phrases incohérentes que l’on comprend. Aller et retour. 

Entorse au réel. 

Rien ne se déroule comme on l’avait imaginé. Des éboulements. 

Projection et ce qui se passe vraiment. On ne sait rien d’autre que ce que l’on vit maintenant.

Tu racontes l’apparition d’oiseaux blancs au-dessus de ces champs, qui annoncent l’hiver.

Ce paysage, il fallait aussitôt penser à quel pays il appartiendrait. 

Simple étape sur leur route de migration. Dans le sens du vent, des climats, des lumières, 

Eux, ils franchissent les frontières.

 

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